Punir un enfant est-il nécessaire ?
Punir un enfant est-il nécessaire pour l'éduquer ? Pourquoi punit-on, quelles sont les conséquences ? Comprenons pourquoi punir n’est pas la solution !
Lire la suiteNous savons aujourd’hui, grâce à de nombreuses études, que les punitions sont nocives pour l’enfant. Pourtant, la discipline reste la principale préoccupation des éducateurs. L’autodiscipline est la méthode qui satisfait parents et enfants en diminuant les troubles physiques et physiologiques et en augmentant notamment l’estime de soi.
Éduquer sans punir de Thomas Gordon, 2003
Le livre, à travers de nombreux exemples concrets et témoignages, donnent des techniques pour écouter et communiquer avec son enfant. Pour l’écrire Thomas Gordon a lu de nombreux ouvrages prônant la discipline autoritaire (livres à l’opposé de ses convictions) afin de comprendre les motivations et arguments de leurs auteurs. Il s’évertue dans Éduquer sans punir à démontrer la dangerosité des récompenses et punitions et explique comment parents et éducateurs peuvent utiliser d’autres moyens pour influencer l’enfant sans le forcer.
Le nom discipline et le verbe discipliner sont généralement confondus. Pourtant ce sont deux termes bien différents. Le nom fait référence à un comportement conforme à des règles, “la discipline dans la classe”. Le verbe signifie soumettre quelqu’un à un ensemble de règles qui garantissent l’ordre, “discipliner une classe”.
À tort, les deux termes sont souvent associés mais pour Thomas Gordon “Discipliner les enfants ne produit pas des enfants disciplinés”.
On influence davantage les jeunes lorsqu’on ne cherche pas à les dominer !
Thomas Gordon
1. L’autorité fondée sur l’expérience
Ce type d’autorité est basée sur l’expérience, les connaissances et les compétences d’une personne dans un domaine.
Par exemple lorsque vous allez chez le médecin, vous prenez les médicaments qu’il vous prescrit car il a les connaissances sur la maladie et les façons de la soigner.
2. L’autorité fondée sur la position
Cette autorité est basée sur la position d’une personne au sein d’un groupe et sur la définition de ses responsabilités.
Par exemple lorsque vous prenez le train, vous suivez les consignes des contrôleurs.
3. L’autorité fondée sur les ententes informelles
Cette forme d’autorité est basée sur les ententes que concluent les gens au quotidien. Par exemple, si je prends l’avion pour aller voir un ami et qu’il accepte de venir me chercher à l’aéroport, je m’attends à ce que le jour J il soit là. Les accords informels peuvent être utilisés au sein de la famille. Par exemple Thomas Gordon prépare le petit déjeuner le dimanche, sa fille est responsable de ses devoirs et sa femme de l’entretien les plantes.
4. L’autorité fondée sur le pouvoir
Enfin, le dernier type d’autorité abordé est basé sur le pouvoir des uns sur les autres. Ce pouvoir permet notamment de contraindre une personne à faire des choses contre son gré.
C’est ce dernier type de pouvoir qui est utilisé lors de l’utilisation des récompenses et punitions.
“Discipliner” signifie dominer grâce au pouvoir. Ce pouvoir qui permet de récompenser ou de punir.
Les récompenses et les punitions doivent néanmoins réunir plusieurs conditions pour être efficaces selon l’auteur :
La punition quand a elle,
La punition a pour effet négatif de briser la relation de confiance entre les deux personnes et de causer des dommages physiques et psychologiques.
Nous venons de le voir, les récompenses doivent réunir plusieurs conditions pour atteindre leur but.
Elles doivent être en plus utilisées en suivant une grande rigueur :
Ce dernier point est le plus délicat car la récompense peut venir d’un tiers.
Par exemple, un élève qui perturbe la classe peut être récompensé par les rires de ses camarades.
C’est toutes ces conditions ainsi que la rigueur nécessaire à leur utilisation qui font qu’elles ne peuvent pas fonctionner sur le long terme.
Car tout ceci est impossible à maintenir sur une longue période.
Pour Thomas Gordon, ils sont également à éviter car ils cachent la plupart du temps une envie de changer l’enfant.
Sous une façade de gentillesse une critique est généralement sous entendue. Elle fait ressortir l’envie de contrôle du parent sur la vie de enfant.
Il se peut également qu’en voulant faire plaisir à l’enfant, le parent émette un jugement ne correspondant pas à ce que pense l’enfant. Par exemple il pourrait dire “tu es un très bon joueur de foot” alors que l’enfant se trouve nul. Il se sentira alors seul et incompris. Le compliment aura eu l’effet inverse de celui espéré.
Utilisées par 84 % à 97 % des parents (!) à un moment ou l’autre de la vie de l’enfant, les punitions n’en sont pas moins inefficaces.
Au début elles peuvent avoir un effet dissuasif. Mais comme avec les récompenses, la trop grande rigueur dont il faut faire preuve les rendent inefficaces sur le long terme :
Les recherches de Thomas Gordon montrent qu’une punition doit être justement dosée pour être efficace :
trop légère elle est inutile, l’enfant préférant la subir pour obtenir ce qu’il veut,
trop forte et elle aura des conséquences sur son état physique et psychologique.
Ce juste milieu est très difficile à trouver et surtout à maintenir.
En effet, dès que l’enfant se retrouve seul, rien ne l’empêchera de recommencer car “la discipline punitive imposée par les adultes n’inculque pas l’autodiscipline aux enfants”.
Contrairement à ce que les adeptes de la punition veulent faire croire, elle ne diminue aucun cas la violence présente chez l’enfant.
Au contraire elle l’incite !
Au fur et à mesure que les enfants grandissent ils deviennent de plus en plus autonomes et les parents ont de moins en moins de contrôle sur eux… jusqu’au jour où ils n’en ont plus du tout. Ce jour là, les punitions deviennent obsolètes et les parents qui « contrôlaient » leurs enfants grâce à elles, sont démunis.
Selon Thomas Gordon, les conflits de l’adolescence résulteraient en grande partie de cela. Les parents, bien qu’ils n’aient plus de moyen de pression sur leurs enfants, continuent de vouloir les contrôler, et les adolescents se rebellent contre cela.
L’auteur, psychologue, a eu l’occasion de voir en consultation de nombreux enfants.
Voici quelques uns des mécanismes d’adaptation que les enfants punis qu’il a rencontré utilisaient :
être agressif, se révolter, mentir, flatter les adultes, se replier sur soi, être timide, souffrir d’insécurité, se montrer exagérément soumis, etc.
Non seulement l’emploi de récompenses et punitions ne produit pas des enfants disciplinés mais c’est l’inverse qui se produit. Il a été démontré que les délinquants, meurtriers et détenus violents proviennent de familles autoritaires et ont été sévèrement punis durant leur enfance. La discipline sévère rend malheureux et tend à faire fuir du foyer les enfants qui y sont confrontés.
Les détenus violents ont tous subi une extrême violence à la maison entre l’âge de un et dix ans. (Maurer, 1976)
Contrairement à ce que l’on a pensé pendant longtemps, un parent n’a pas à choisir entre être autoritaire ou permissif. Thomas Gordon propose une nouvelle approche qui “s’applique à écouter, comprendre, négocier, aider et résoudre le problème.” Mais pour l’utiliser il faut arrêter de penser que les enfants se conduisent mal, “ce sont les effets du comportement de l’enfant sur l’adulte qui sont jugés mauvais […] et non le comportement en tant que tel.”
Dans ce cas là, plusieurs possibilité s’offrent au parent :
L’enfant ne cherche pas à énerver les adultes mais à satisfaire un besoin.
=> trouver ce dont il s’agit vous aidera à le combler
Modifier l’environnement pour que le problème disparaisse.
=> mettre en hauteur les objets fragiles, utiliser des verres incassables pour votre bébé, etc.
Contrairement au message “tu” qui accuse l’autre, le message “je” exprime ce que je ressens face à une situation. Il n’exprime ni reproche ni jugement.
=> “j’étais très inquiet de voir que tu n’étais pas rentré à l’heure prévue.”
Ce message demande à l’autre d’adopter un comportement particulier afin de satisfaire un besoin. Expliquer son besoin permet de faire comprendre à l’autre en quoi la demande est importante.
Le message “je” peut dérouter l’enfant, il n’est jamais agréable d’entendre que notre comportement gêne. Dans ces cas là, écouter les sentiments de l’autre aidera à trouver une solution qui satisfait les deux parties.
Le message “je” peut ne pas être entendu par l’enfant. Dans ce cas, cherchez ensemble une solution qui satisfait tout le monde.
La colère cache souvent un autre sentiment comme la peur ou la tristesse, essayons de s’y reconnecter.
Les enfants ont besoin de règles. Elles permettent de définir les droits et devoirs de chacun afin de ne pas tomber dans le chaos.
Mais la façon dont les règles sont établies est primordiale. Pour Thomas Gordon, les règles doivent être établies conjointement entre les adultes et les enfants.
Lors d’un conflit, la plupart des parents impose leur volonté ou cède face à celle de l’enfant.
Dans le premier cas, l’enfant résiste et proteste contre cette solution qui lui est imposée puis fait tout pour ne pas l’appliquer.
Petit à petit cet enfant se détachera de ses parents qui ne prennent pas en compte ce qu’il ressent.
Dans le deuxième cas, l’adulte cède car l’enfant n’accepte pas sa solution.
Les besoins de l’adulte sont sacrifiés au profit de ceux de l’enfant qui grandira avec le sentiment d’être plus important que les autres.
Pour assainir les conflits et perdre cet esprit gagnant/perdant, Thomas Gordon a créé une méthode gagnant/gagnant divisée en 6 étapes.
Toutes les personnes impliquées sont invitées à se réunir pour trouver ensemble une solution qui leur convienne à tous :
Ce n’est pas une méthode miracle et il faudra du temps pour bien la maîtriser. L’important est que tout le monde soit écouté et les besoins de chacun respectés.
Découvrez notre expérience de résolution de conflit 😉
Pour aider quelqu’un à changer il faut d’abord l’accepter tel qu’il est. Pour cela il faut éviter de faire la morale, conseiller, juger, critiquer, complimenter ou encore rassurer.
Tout ceci fait parti du langage de la non-acceptation. Pour montrer à quelqu’un qu’on l’accepte, il y a 3 attitudes à notre disposition : la non-intervention, l’écoute attentive et l’écoute active.
Attardons-nous quelques instants sur la dernière : l’écoute active.
Cette attitude montre à l’enfant qu’on l’accepte tel qu’il est.
Son utilisation se fait en 2 étapes :
Cette forme d’écoute facilite la communication entre deux personnes, véhicule l’acceptation et le respect. Grâce à ces valeurs, elle incite à parler, à réfléchir et crée une ambiance propice au dialogue et au débat d’idées sans jugement.
Pour finir Thomas Gordon nous livre 9 mythes qui empêchent certains parents de se détacher des méthodes d’éducation fondées sur le pouvoir et d’évoluer vers une relation plus saine.
Comme nous l’avons vu tout au long de cet article, ces affirmations sont infondées et totalement fausses dès lors que l’on arrête de penser en terme de pouvoir.
La coopération et la communication sont au cœur de la pédagogie du Dr Gordon.
Si les parents arrêtent d’user de la force, des châtiments et des récompenses et les remplacent par l’écoute et l’empathie il n’y a aucune raison que ces mythes deviennent réalité.
En plus, selon plusieurs études, les relations démocratiques au sein d’un groupe, que ce soit en famille, à l’école, au travail ou au niveau d’un pays “sont des facteurs de “santé” et de “bien-être”” Qu’attendons-nous pour abandonner la tyrannie et passer à la démocratie ? 🙂
Avec ce livre Thomas Gordon répond à l’une des problématiques principales de tout parent : comment faire en sorte de modifier le comportement de son enfant sans le contrôler.
Cette démarche passe par la compréhension et le respect des besoins de chacun.
Combinées, toutes les techniques décrites dans le livre permettent de vivre en harmonie.
Même s’il y aura toujours des conflits, vous savez maintenant les prévenir et les résoudre en respectant les besoins de chacun !
Points positifs
Points négatifs
Un livre indispensable ! (si vous n’avez pas déjà Parents efficaces)
> Continuer la lecture avec l’article 10 alternatives à la punition
Envie de lire ce classique de l’éducation ? Il est disponible en librairie ou sur internet 😉
Bonjour!
Je relis votre article et il me renvoie à une situation que vit mon mari, enseignant avec des élèves de 15-18 ans.
Ces jeunes gens sont issus d’une milieu culturel différent (Turcs pour la plupart) où typiquement les sanctions violentes restent courantes. Par conséquent, ils ne reconnaissent pas du tout l’autorité « non-violente » des enseignants, pour qui le seul recours vient à faire part aux parents des soucis de classe (alors qu’on parle quand même de jeunes adultes presque!) pour que les élèves reçoivent la « punition corrective » en différé… Même si cela est efficace (les élèves craignent réellement leurs parents), cela me laisse très sceptique.
Ma question serait : comment favoriser l’auto-discipline d’adolescents et jeunes adultes habitués à l’autorité extérieure et souvent violente?
Bonjour Émilie, difficile de répondre à une question aussi large en quelques lignes 🙂
L’auto-discipline peut être favorisée en donnant de l’autonomie aux élèves et en les responsabilisant plutôt que de brandir le bâton de la punition à la maison. Je sais que cela peut paraître difficile car à cet âge on n’a pas toujours conscience de l’importance de l’école mais c’est à essayer.
Votre mari peut par exemple prendre un temps pour réunir toute la classe et que les élèves et lui définissent ensemble les règles de la classe : ce qui est permis pour que tout le monde puisse étudier, ce qui ne l’est pas et par exemple définir un responsable chaque semaine qui rappelera les règles en douceur lorsqu’un des élèves ne les respectent pas. Le point crucial et de laisser tout le monde donner son avis sans juger; puis une fois toutes les idées lancées, toute la classe et votre mari décident ensemble de celles à retenir e à essayer pendant quelques semaines. Le plus de monde possible (idéalement tous mais dans une classe de 30 cela peut être compliqué) doit être d’accord.
Ils peuvent les écrire sur un papier qui sera affiché dans la classe.
Le fait de définir ensemble les règles permet de laisser de l’autonomie aux élèves et de les impliquer dans le fonctionnement de la classe. Cette responsabilisation les amènera à être plus impliqués et à plus respecter les règles qu’ils ont eux-même défini.
Je vous conseille de lire Enseignants efficaces ou La Discipline positive dans la classe. Je n’ai pas lu ces livres en particulier mais leur équivalent pour les parents. Ils sont géniaux de donnent déjà des pistes pour appliquer l’auto-discipline en classe, ces livres dédiés à la classe doivent être encore plus détaillés.
Bonjour
je suis éducatrice dans une crèche avec des enfants de 1 à 3 ans et je trouve difficile lorsqu’un enfant mord régulièrement les autres enfants de ne pas le punir.
J’ai l’impression que demander à l’enfant de s’asseoir , dos au mur pendant 3 minutes permet à l’enfant de comprendre que son comportement est inadapté car il ne lui permet pas de continuer à jouer.
J’ai essayé beaucoup de méthodes : discussions, anneaux de dentitions, observer l’enfant pour désamorcer la situation avant qu’il ne morde, mais ça n’a pas fonctionné. Mordre est une phase que beaucoup d’enfants entre 1 et 3 ans ont. On répète que ça s’arrête lorsque l’enfant commence à parler, qu’il peut exprimer son désir pour un jouet particulier ou que c’est parce que l’enfant à mal aux dents. Mais entre 16 et 24 mois, la phase peut durer longtemps et il est difficile de protéger les autres enfants.
Que conseillez vous dans le cadre de l’éducation positive?
De même lorsqu’un enfant frappe un autre enfant ou est agressif envers un autre enfant, comment réagir au mieux avec l’éducation positive? Doit on forcer l’enfant à s’excuser si même après discussions et explications, il ne le veut pas?
Je n’ai pas trouvé d’articles sur le thème « comment réagir à la violence entre enfants avec des touts petits ?
Bonjour Marlène,
je comprend tout à fait qu’en crèche il n’est pas facile de passer du temps avec chaque enfant ayant un comportement inapproprié.
Il est sûr que faire s’asseoir un enfant dans un coin peut le calmer, et même lui faire éviter de recommencer pendant un certain temps, car, comme vous le dites, il est privé de ce qu’il veut : jouer.
C’est la même chose avec une fessée. L’enfant ne recommence pas car il n’a pas envie de recevoir une nouvelle fessée.
Pour autant, est-ce qu’il comprend pourquoi il est puni ? Et surtout est-ce qu’il arrêtera de mordre son copain parce qu’il a compris que son copain avait eu mal ou seulement parce qu’il veut éviter la punition ?
Personnellement, en tant que papa je souhaite inculquer des valeurs à mes enfants, je ne veux pas qu’il m’obéisse car je suis le père, que je suis le plus fort et que je veux qu’ils m’obéissent (sinon que se passera-t-il lorsque mon fils sera plus grand et plus fort ? Que se passera-t-il lorsque ma fille quittera la maison ?)
Je veux leurs inculquer des valeurs auxquelles je crois et je souhaite leur faire partager mes valeurs. Et cela ne peut pas se faire avec des punitions.
Donc à la place des punitions on fait quoi ?
Une méthode efficace est de proposer des alternatives. Si l’enfant mord pour jouer vous pouvez par exemple lui dire « Thomas n’a pas l’air d’aimer se faire mordre. Tu peux jouer avec lui à la balle, c’est plus marrant« .
Si vraiment l’autre enfant a mal, vous pouvez faire remarquer au premier les conséquences de ses actes : « Regarde, Thomas n’a pas l’air d’aimer avoir été mordu, il pleure. Que penses-tu qu’il ressente ? » puis « Que peux-tu faire pour qu’il se sente mieux ? »
L’enfant ayant mordu devrait se rendre compte des effets de son comportement, et ressentir de l’empathie pour l’autre enfant.
Pour d’autres alternatives aux punitions, je vous laisse lire « 10 alternatives à la punition »
Et concernant l’effet des punitions sur les enfants, ces 6 citations sont très parlantes
Forcer un enfant à s’excuser est inutile car il ne sera pas vraiment désolé. Il sera au contraire en colère d’avoir été obligé de s’excuser.
De la même manière que précédemment vous pouvez montrer à l’enfant les conséquences de son comportement.
J’espère que ces quelques idées vont aideront.
À bientôt
Antoine
Merci pour cette première chronique très intéressante. Je m’empressé de partager votre blog qui s’intéresse à des sujets passionnant de manière abordable.